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Foire aux questions : black-out du 28 avril 2025 sur la péninsule ibérique

Institutionnel
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L’Espagne et le Portugal ont connu un black-out majeur le 28 avril 2025. Les causes et le déroulé précis des circonstances ayant conduit à cette situation rarissime sont en cours d’investigation à l’échelle européenne : il s’agit d’un travail minutieux qui prendra du temps et dont les résultats ne seront pas connus dans les prochains jours. Les textes européens fixent un délai de 6 mois pour les conclusions complètes.
Dans l’intervalle, de nombreuses questions ont été adressées à RTE sur les causes du black-out, la façon dont il s’est déroulé, et ses conséquences pour la France.
Paragraphes

Le déroulé du black-out

1 - Concrètement, quelle forme le black-out a-t-il pris en Espagne et au Portugal ?

Le black-out est intervenu à 12h33.

ll s’est traduit par (i) la déconnexion de la quasi-totalité des unités de production connectées en Espagne et au Portugal et (ii) la perte instantanée de l’alimentation électrique via le réseau sur toute la péninsule et la déconnexion de celle-ci de la France et du Maroc.

2 - La France a-t-elle été touchée ? Quelles ont été les conséquences en France ?

Le black-out a eu quelques conséquences concrètes, mais modérées, en France : arrêt automatique de quelques centrales de production dans le quart sud-ouest de la France (dont un réacteur de la centrale nucléaire de Golfech), perturbation ou coupure de certains consommateurs industriels raccordés au réseau de RTE ou de certains consommateurs résidentiels raccordés au réseau de distribution dans le Pays basque français.

Les coupures de consommation ont été déclenchées automatiquement pour protéger le réseau local et ont été de très courte durée (moins de 20 minutes).

3 - Est-ce le résultat d’un bon fonctionnement du plan de protection français ?

Sur la base des données collectées en France, le plan de protection du système français semble avoir dans l’ensemble très bien fonctionné : les protections installées sur le réseau ont conduit à déconnecter les interconnexions avec l’Espagne et à empêcher la propagation de l’incident au reste de l’Europe.

4 - Des précédents ont-ils déjà eu lieu en France ?

Oui, la France a connu plusieurs black-out majeurs par le passé.

Celui de décembre 1978 a été déclenché par un incident sur le réseau de transport et a touché la quasi-totalité du pays. Celui de janvier 1987 a trouvé son origine dans un incident sur la centrale à charbon et au fioul de Cordemais et a concerné l’ouest de la France.

Les tempêtes de décembre 1999 ont également conduit à des coupures de courant massives.

5 - Des précédents ont-ils déjà eu lieu en Europe ou dans le monde ?

Oui. Le Brésil (1999, 2009, 2023), l’Italie (2003), la Scandinavie (2003), les Etats-Unis (2003, 2021), l’Allemagne (2006), l’Inde (2012), la Turquie (2015), l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay (2019), les Balkans (2024) et le Chili (2025) ont, par exemple, également tous connu des black-out (pour des raisons différentes).

6 - La France a-t-elle aidé l’Espagne et le Portugal ? Si oui, comment ?

Oui, la réalimentation électrique de la péninsule ibérique a été initiée via la France (et le Maroc).

Concrètement, la France a réalisé une remise en service progressive et par paliers des infrastructures d’interconnexion (accroissement progressif de la capacité d’exports, de 500 MW à 1 500 MW entre 13h et 18h, puis de 2 000 MW à partir de 18h). Ceci a permis de procéder, de façon méthodique et sûre, à une réalimentation par étapes de la consommation de la péninsule.

Les causes du black-out

7 - Pourquoi RTE n’a-t-il pas encore communiqué sur les causes ?

RTE est un opérateur technique, dont l’activité est régie par des protocoles précis en temps de crise. Durant le black-out et la phase de son analyse, RTE limite ses interventions médiatiques pour plusieurs raisons :

  • La priorité à la gestion de la crise, en lien avec les gestionnaires des systèmes espagnol et portugais, pour restaurer le plus rapidement possible l’alimentation électrique des zones concernées ;
  • La réalisation d’une analyse technique et scientifique rigoureuse pour des incidents de grande ampleur de ce type est chronophage. Elle n’est, par méthode, jamais réalisée « à chaud » ;
  • Les enquêtes et analyses sur ce type d’évènements sont conduites au niveau européen (cf. question 9) et requièrent la consolidation et la mise à disposition par les gestionnaires de réseaux espagnol et portugais de nombreuses données (mesures des grandeurs électriques sur le système ibérique), qui ne sont pas encore connues de RTE.

8 - Comment expliquer un tel délai pour disposer de réponses techniques ?

La conduite d’une analyse rigoureuse, à froid (cf. question 7), d’incidents de cette ampleur et de cette complexité technique requiert plusieurs semaines.

Elle implique notamment la reconstitution détaillée du fonctionnement précis du système électrique ibérique, français et même européen dans les heures qui ont précédé le black-out et dépend de données qui ne sont pas en possession de RTE à ce stade.

La complexité des phénomènes électrotechniques ayant pu entrer en jeu dans le déclenchement et la propagation de l’incident plaide pour ce type d’analyse détaillée.

C’est parce que des analyses détaillées ont eu lieu lors des précédents black-out que des leçons utiles en ont été tirées et intégrées au plan de protection français.

9 - Combien de temps l’enquête va-t-elle durer ?

Le droit européen prévoit que l’enquête et l’analyse de l’incident doivent être réalisés par ENTSO-E, l’association des gestionnaires de réseaux européens.
Le 1er mai, ENTSO-E a annoncé la mise en place d’un panel d’experts pour conduire ces travaux. Celui-ci devra rendre son rapport au plus tard 6 mois après la date de l’incident, avec des étapes intermédiaires de publication de l’analyse de l’évènement, des conclusions établies au fil des analyses et des recommandations.
L’Espagne et le Portugal disposent de 3 mois pour transmettre leurs données. De son côté, RTE tiendra à la disposition d’ENTSO-E l’ensemble des données pertinentes du réseau français pour l’établissement des causes de l’incident.

10 - Le black-out est-il lié à une cyberattaque ?

La thèse d’une cyberattaque sur le réseau espagnol n’a pas été confirmée par les autorités espagnoles. L’ouverture d’une enquête judiciaire, décidée par les autorités espagnoles, constitue une procédure classique.

11 - On a parlé d’incendies en France : est-ce vrai ?

La thèse d’un fait générateur en France résultant d’un incendie à proximité du réseau aux environs de Perpignan ou de Narbonne est infondée : aucun incendie n’a été recensé dans les environs.

12 - On a parlé d’une perturbation atmosphérique particulière en Espagne qui aurait pu causer le black-out. Est-ce vrai ?

L’AEMET, équivalent espagnol de Météo-France, a indiqué qu’aucun « évènement météorologique exceptionnel » n’avait été recensé en Espagne. La thèse de l’évènement atmosphérique extrême semble avoir été propagée via la diffusion d’un faux document sur les réseaux sociaux, attribuée de manière erronée à REN (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité portugais) mais démenti par ce dernier.

13 - La France a-t-elle « refusé » d’exporter vers l’Espagne ? 

Non. Le 28 avril au matin, l’Espagne n’était pas en train d’importer mais bien d’exporter de l’électricité vers la France, selon le fonctionnement normal du marché européen. La France exportait elle-même vers tous ses autres voisins.
Lors de la survenue du black-out, la péninsule ibérique a été automatiquement déconnectée de la frontière française par l’action des dispositifs de protection qui visent à protéger les systèmes électriques européens contre la propagation incontrôlée de ce type d’incidents. Sans l’activation de ces protections, le phénomène aurait pu s’étendre en France et en Europe.
Une fois la situation stabilisée, en lien avec son homologue espagnol (REE), RTE a pu mettre en place un programme d’export d’électricité vers l’Espagne, qui a été l’un des socles de la reconstitution du réseau espagnol (cf. question n° 6).

Le rôle des énergies renouvelables

14 - Quel était le niveau de la production renouvelable au moment du black-out ? Était-ce un niveau inhabituel ?

Au moment du black-out, la production d’électricité en Espagne (d’où le black-out semble originaire) provenait à environ 70 % de l’éolien et du solaire. 
De telles configurations avaient déjà été atteintes en 2024 et 2025 et n’étaient pas sans précédent mais demeurent significatives. RTE ne dispose pas d’élément indiquant qu’il s’agirait de la cause du black-out. Les investigations en cours devront analyser dans quelles mesure cette forte part des énergies renouvelables a pu jouer un rôle dans la propagation de l’incident.

15 - Où la France se situe-t-elle par rapport à ce niveau ?

En France, l’éolien et le solaire ont représenté respectivement 8,7 % et 4,6 % de la production nationale totale en 2024, en volume (13,3 % à elles deux). Au maximum, la production combinée de l’éolien et du solaire, en part instantanée maximale, a représenté 41 % de la production française en 2024, et 40 % en 2025.  
À moyen terme et selon les orientations publiques, l’éolien et le solaire ont vocation à s’ajouter au nucléaire, sans le remplacer, de sorte à augmenter la production électrique du pays et permettre à l’électricité de remplacer les énergies fossiles importées. Dans les projections du scénario A référence du Bilan prévisionnel 2023 de RTE (atteinte des objectifs publics), l’éolien et le solaire représenteraient en 2035 au maximum un tiers de la production française en volume annuel. Dans les scénarios B (retard) et C (mondialisation contrariée), cette part serait comprise entre 26 et 32 % à la même échéance. Il s’agit dans tous les cas de taux très inférieurs à ceux de nombreux pays européens aujourd’hui.

16 - Le système ibérique a-t-il manqué de capacités « pilotables » ?

  • La pilotabilité du système électrique renvoie à plusieurs notions différentes, qui sont systématiquement distinguées dans les études de RTE :
  • l’indépendance de la production par rapport à la disponibilité de la source primaire (eau, vent, ensoleillement),
  • la faculté et la rapidité à faire varier la production d’une installation sur demande de l’exploitant ou du gestionnaire de réseau,
  •  la faculté de faire varier plusieurs fois la production au sein d’une même journée, 
  • la contribution à la stabilité du système, etc. 

Par exemple, la petite hydraulique est une énergie renouvelable qui contribue à la stabilité du système (elle dispose de machines tournantes), mais sa production et sa faculté à la faire varier dépendent du débit des cours d’eau. Ainsi, c’est par rapport à l’ensemble des dimensions de la « pilotabilité » des différentes sources d’énergie qu’il convient de réaliser le retour d’expérience.

17 - On a parlé du manque d’inertie dans un système électrique majoritairement renouvelable : est-ce un angle mort des analyses sur le système électrique ?

La cause du black-out n’étant pas encore connue, il n’est possible ni d’attribuer le black-out à une question d’inertie du système ibérique, ni d’exclure ce paramètre comme ayant pu jouer un rôle dans l’incident (par exemple pour sa propagation).
 

Le sujet de la stabilité du système électrique (c’est-à-dire sa faculté à retrouver un état nominal à la suite de perturbations) ne constitue pas un « angle mort » du débat énergétique en France. La question du maintien de l’inertie du système en fonction de la part des renouvelables est par exemple un point central du rapport remis par RTE et l’Agence internationale de l’énergie en janvier 2021. Elle fait partie des raisons qui ont poussé RTE à considérer plus risqué, sur le plan de la faisabilité technique, un système électrique dépendant uniquement ou presque des renouvelables, par rapport à un système conservant une part significative de nucléaire. 
 

Ce même rapport a clairement identifié quatre conditions strictes et cumulatives (aujourd’hui non réunies en pratique) pour un système électrique à haute part en énergies renouvelables :

  • Disposer des solutions techniques remplaçant la production d’électricité « conventionnelle » (c’est-à-dire les centrales thermiques, nucléaires et hydrauliques qui fonctionnent de manière synchronisée, à la même fréquence, à travers le continent européen) pour assurer la stabilité du système électrique, 
  •  Développer significativement les sources de flexibilité (flexibilité de la demande, flexibilité des installations de production) au sein du système électrique,
  • Prévoir des réserves opérationnelles et des modes de gestion du système électrique au quotidien très sensiblement différentes d’aujourd’hui,
  • Renforcer les réseaux électriques.

La part d’énergies renouvelables dans la production française envisagée à moyen terme (projet de PPE 3) ne soulève pas de problématique particulière en matière de stabilité de manière générale (cf. question n° 16), tant que (i) suffisamment de centrales de production conventionnelles restent connectées au réseau de façon répartie sur le territoire et (ii) que toutes les unités de production – y compris renouvelables – répondent à des exigences spécifiques en matière de performance technique et de comportement.

RTE a engagé en ce sens depuis plusieurs années un cycle de renforcement des règles techniques d’accès au réseau et de programmation pour assurer la bonne intégration de la production renouvelable dans le système électrique. Ces modifications sont être mises en œuvre de manière progressive. De nouvelles évolutions seront mises en œuvre à compter de 2025.

Questions diverses

18 - Ce type d’incident pourrait-il arriver en France ?

Aucun expert du système électrique ne dira qu’un black-out est impossible, et ce, quelle que soit la nature du mix électrique. 

De fait, des black-out massifs sont déjà intervenus en France, alors même que le parc était essentiellement dominé par les centrales thermiques (1978) ou comme aujourd’hui par le nucléaire (1987). Des coupures ont déjà affecté la France via les interconnexions (2006) du fait d’un problème survenu en Allemagne (cf. questions 4 et 5).  

Le travail du gestionnaire de réseau consiste à formuler des préconisations qui réduisent la probabilité de coupures, et en chiffrant les coûts associés pour permettre au décideur de prendre les arbitrages nécessaires. Il est également de définir, et de mettre en œuvre le cas échéant, un plan de protection et de reconstitution du réseau en cas de black-out.

Comme pour tout incident de grande ampleur, RTE intègrera le retour d’expérience du black-out ibérique dans la mise à jour de son plan de protection et de reconstitution du réseau.  

19 - Sommes-nous de nouveau face au même risque que pendant l’hiver 2022-2023 ?

Non. Le système électrique français a été confronté à une situation exceptionnelle lors de l’hiver 2022-2023 du fait de la conjonction de trois phénomènes distincts : la découverte d’un aléa générique de corrosion sous contrainte sur le parc électronucléaire français, une production hydraulique extrêmement faible du fait d’une sécheresse inédite depuis 1976 lors de l’été précédent et une grande incertitude sur l’approvisionnement en gaz du fait de la guerre menée par la Russie en Ukraine. 

La France faisait alors face à une probabilité réelle de coupures de courant du fait d’un risque d’insuffisance d’offre pour alimenter la demande en électricité. Dans de tels cas, la France aurait pu être amenée à organiser des coupures d’électricité tournantes, maîtrisées et ciblées (« délestages »).

Au cours des dernières années, RTE a systématiquement pris le soin de bien différencier cette notion de celle du black-out, le délestage visant précisément à éviter un black-out généralisé.

20 - La France est-elle opposée au renforcement, à moyen terme, de ses capacités d’interconnexions avec l’Espagne ? 

La France dispose de six lignes d’interconnexion avec l’Espagne. Une nouvelle ligne « Golfe de Gascogne », majoritairement sous-marine, est en cours de construction et doit être mise en service en 2028. A cet horizon, la capacité d’échange technique entre la France et la péninsule ibérique sera de 5 GW, conformément à la cible politique fixée dans la déclaration de Madrid de 2015.

D’autres projets d’interconnexions sont à l’étude avec la péninsule ibérique. RTE a clairement indiqué être prêt à travailler avec l’Etat, la Commission de régulation de l’énergie, la Commission européenne et ses homologues espagnol et portugais, pour identifier les conditions techniques et financières permettant de poursuivre l’interconnexion avec la péninsule ibérique et a insisté sur le besoin de renforcer en parallèle le réseau français pour assurer une exploitation sûre des interconnexions dans la durée. Le retour d’expérience sur le black-out viendra enrichir la poursuite de ces travaux.

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