Image
Perspectives pour la sécurité d’approvisionnement - Cover
Image
Perspectives pour la sécurité d’approvisionnement - Cover

Perspectives pour la sécurité d’approvisionnement en électricité pour l’été, l’automne et l’hiver 2023

Sécurité approvisionnement
arrow
Après une année 2022 marquée par une « triple crise » (craintes sur l’approvisionnement en gaz du continent, chute de la production nucléaire française en raison des défauts de corrosion, plus faible production hydraulique depuis 1976 du fait de la sécheresse), l’année 2023 voit la situation s’améliorer nettement et se rapprocher progressivement de la normale pour l’approvisionnement en électricité.
Paragraphes

État des lieux

Par rapport à l’an passé, tous les facteurs sont ainsi orientés de manière favorable :

  • la baisse de la consommation électrique enregistrée à l’hiver s’est pérennisée durant le printemps ;
  • la production nucléaire, bien que toujours en fort retrait par rapport à l’historique, sera plus élevée que l’an passé au cours des prochains mois, et suscite moins d’incertitudes pour l’hiver. Elle est toujours cohérente avec la prévision centrale de RTE, qui intègre systématiquement des prudences ;
  • les stocks hydrauliques se situent à des niveaux très satisfaisants pour la saison ;
  • les stocks gaziers sont élevés dans tous les pays européens ;
  • les énergies renouvelables continuent de se déployer et augmentent l’offre d’électricité bas-carbone en France et dans les pays voisins.

Dans ce contexte, la France a retrouvé la situation fortement exportatrice qui existait avant la crise énergétique, avec des niveaux d’exports qui n’avaient plus été enregistrés depuis l’automne 2021. Les prix sur le marché spot sont depuis plusieurs mois significativement inférieurs à ceux de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou de l’Italie, ce qui est conforme aux fondamentaux techniques et économiques.

Projection pour les prochains mois

Sur la base des éléments connus à date et en conservant un principe de prudence par rapport aux déclarations des producteurs, RTE est à même de présenter les éléments suivants.

1. Pour l’été 2023, il n’existe pas d’inquiétude particulière en matière de sécurité d’approvisionnement. Le système électrique apparaît en mesure de faire face aux besoins y compris en cas de canicule et de sécheresse.

Ce diagnostic dépend de la poursuite des efforts engagés en matière d’économie d’énergie et de maximisation de la production du parc nucléaire. Le plan de sobriété présenté par le Gouvernement le 20 juin 2023 est ainsi important à double titre :

  • d’une part, la maîtrise de la consommation permet de réduire les tensions sur le système électrique, qui peuvent intervenir l’été notamment du fait de la sécheresse ou lors de canicules ;
  • d’autre part, comme l’an passé, il convient d’économiser les stocks hydrauliques et gaziers durant l’été afin de pouvoir en disposer au maximum lors de l’hiver. Ceci implique également de chercher à maximiser la production nucléaire y compris durant la période estivale.

2. Pour l’automne 2023, contrairement à l’année dernière, il n’existe pas de risque spécifique

L’automne 2022 présentait un profil de risque très atypique, du fait de la très faible disponibilité du parc nucléaire français, de la nécessité d’économiser le stock hydraulique en vue de l’hiver, et des tensions sur le gaz, alors maximales. Ceci avait conduit RTE à émettre, dès le 14 septembre 2022, une alerte sur l’automne. Une telle situation de risque n’existe plus en 2023.

3. Pour l’hiver 2023-2024, la situation est significativement plus favorable que celle initialement envisagée pour l’hiver dernier, sans être néanmoins nominale. Le profil de risque se rapproche de celui de l’hiver 2021-2022

Ce diagnostic plus favorable est conditionné à plusieurs paramètres, dont notamment (i) la poursuite des efforts d’économies d’énergie au cours de l’hiver, (ii) la confirmation de l’amélioration du niveau de disponibilité des centrales nucléaires. Il doit encore être considéré avec prudence, du fait des incertitudes qui demeurent à six mois de l’échéance sur la disponibilité précise des réacteurs.

Sur le nucléaire, RTE s’attend (prévision centrale) à une disponibilité comprise entre 40 et 45 GW le 1er décembre 2023, et entre 45 et 50 GW au cours du mois de janvier, c’est-à-dire à une augmentation d’environ 5 GW de la disponibilité moyenne par rapport à l’an passé.

Atteindre le haut de cette fourchette tout en prolongeant la dynamique d’économies d’énergie enclenchée l’hiver dernier conduirait à retrouver un niveau de sécurité d’approvisionnement presque nominal.

Le dispositif Ecowatt, largement déployé l’hiver dernier, sera de nouveau utilisé au cours du prochain hiver pour prévenir les entreprises et les citoyens de la situation en matière de sécurité d’approvisionnement. Il sera enrichi de nouvelles fonctionnalités, disponibles à l’automne.

Conditions économiques pour l’approvisionnement en électricité

Pour ce qui concerne l’électricité, la principale répercussion de la crise énergétique ne porte pas sur l’approvisionnement physique des consommateurs (si le risque était élevé l’an passé, il ne portait au plus que sur quelques pourcents de la consommation, durant certains jours) mais sur les prix.

Comme l’an passé, les prix de l’électricité sur les marchés à terme se situent aujourd’hui, pour la France, à des niveaux très élevés pour l’hiver et en particulier pour le premier trimestre 2024. Ces niveaux de prix ne sont pas cohérents avec les projections sur l’état de tension du système électrique français et apparaissent, en résumé, problématiques.

Le débat en France est souvent focalisé sur le lien entre les prix du gaz et ceux de l’électricité (la formation des prix sur les marchés étant marginaliste, ce lien est en effet vérifié très régulièrement, ce qui pose un problème spécifique en France où plus de 90% de l’électricité produite est nucléaire ou renouvelable, avec une structure de coût qui ne dépend en rien du prix des hydrocarbures). Pourtant, ce lien ne suffit pas à expliquer les prix de l’électricité sur les marchés à terme en France (sinon, les prix seraient aussi élevés dans tous les pays européens interconnectés, ce qui n’est pas le cas).

Les prix observés révèlent donc l’existence, sur les marchés, d’une prime de risque spécifique. Cette prime de risque traduit des anticipations de déséquilibres très élevées, et probablement une compréhension incomplète, de la part de certains acteurs de marché, de la réalité du fonctionnement du système électrique, notamment en situation de stress où de nombreux dispositifs peuvent être utilisés pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande et éviter les délestages.

Cette prime de risque n’est pas nouvelle, mais a été particulièrement mise en évidence à l’automne 2022. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer (comportement de surcouverture des acteurs en situation d’incertitude, combiné à une trop faible liquidité du marché français comparativement au choc induit par la baisse du productible nucléaire suite à la détection du phénomène de corrosion sous contrainte, etc.).

RTE souligne à nouveau la déconnexion entre ces niveaux de prix (quelles qu’en soient les raisons) et les fondamentaux réels du système, même en retenant des projections prudentes pour la production nucléaire lors de l’hiver (à des fins de transparence, RTE a publié en septembre dernier sa projection centrale, qui a été largement confirmée par la suite). Cette déconnexion constitue aujourd’hui un problème majeur, de nature à diminuer la confiance des acteurs économiques et perturber la stratégie de décarbonation.

Indépendamment de la réforme structurelle des marchés de l’électricité actuellement débattue au niveau européen, cette situation de prix élevés soulève des enjeux de confiance des acteurs envers le système de formation des prix, dans un contexte où l’usage de l’électricité doit se renforcer pour atteindre les objectifs climatiques. Les éléments présentés par RTE doivent aider les acteurs de marché à former des anticipations sur la base des données les plus à jour, ce qui doit conduire à ne pas surévaluer la probabilité d’une défaillance du système électrique.