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Rencontre avec Fabienne Legrand - Comment alerter sans donner de leçons ?

Vous êtes fréquemment l’invitée d’une chronique du Figaro madame qui s’appelle « le monde selon… ». « Le monde selon » Fabienne Legrand, comment est-il ?
Le monde dans lequel nous vivons et dans lequel j’essaie de faire ma petite part est complexe. Il faut y vivre en essayant d’aider, d’œuvrer et d’avoir un minimum de solidarité. Pour ce qui est du monde espéré, on en est très loin : changements climatiques, inégalités, migrations dues aux guerres… Il y a tellement à améliorer ! J’essaie, à mon niveau, de mobiliser qui je peux : ma famille, mes amis et mes connaissances. Cela pour tenter collectivement d’améliorer notre monde. Mais même à un petit niveau, ce n’est pas simple. Par exemple, j’ai voulu faire une maison qui se voulait beaucoup plus écologique que ce qu’elle est. Rien que ça, c’est compliqué !
Qu’avez-vous souhaité faire, dans cette maison ?
Mes parents étaient précurseurs. En 1978, ils ont été les premiers en France à construire une maison solaire. J’étais donc bien sensibilisée à tous ces problèmes d’écologie, de nouvelles énergies. Très vite, j’ai eu envie de déployer à mon tour un tel projet. Avant d’habiter dans ma maison actuelle, je vivais dans une autre, tout à fait normale. Elle n’avait rien de satisfaisant, surtout en termes d’isolation. En arrivant ici, j’ai commencé à me renseigner sur les maisons passives mais c’était trop coûteux. Ensuite, j’ai imaginé différents systèmes d’installation vertueux pour l’environnement : faire de la récupération d’eau de pluie, installer des cuves, mettre des panneaux solaires... il n’y avait pas d’aide de l’Etat dans le cadre d’une construction, ce qui est vraiment dommage. Ainsi, pour des problèmes de coûts, j’ai dû finalement me résoudre à avoir du chauffage au gaz, tout bête (mais heureusement, avec un ballon thermodynamique !). Le point fort de cette maison est d’avoir été isolée d’une manière écologique, d’être en bois, respirante. Et pour la récupération des eaux de pluie, je finirai peut-être par trouver une solution et un emplacement possible pour la cuve dans mon jardin !
Vous avez sous-entendu que vous faisiez un certain nombre d’actions de solidarité…
Au niveau de la solidarité, je fais des collectes de vêtements et, ensuite, j’effectue des maraudes dans les campements du nord de Paris, au sein d’une association. C’est un regroupement de gens qui s’organisent grâce à des groupes Facebook. Cela fait maintenant cinq ans que j’y participe.
En matière d’éco-gestes, que faites-vous pour réduire votre empreinte ?
Les transports sont déjà un sujet important. Au niveau de notre cellule familiale, nous prenons au maximum les transports en commun « électriques ». Moi, je ne me sers de ma voiture que quand c’est impératif et j’envisage d’avoir un jour mon vélo électrique. Par ailleurs, nous avons également fait évoluer nos modes d’alimentation. Je pense que l’on consomme dix fois moins de viande qu’il y a six ans, tout en privilégiant les fruits et les légumes de saison. On essaie de faire très attention à ça. Concernant les gestes, je débranche les appareils qui sont en veille. Il n’y a que l’ordinateur qui reste branché tout le temps ! Et puis, on fait attention de ne pas laisser les lumières allumées, de faire fonctionner les machines la nuit, d’économiser l’eau. Je pense que je n’ai pas pris un bain depuis six ans, la douche, si elle dure peu, c’est bien aussi… Il y a enfin la réutilisation - ne pas acheter neuf, recycler, réparer… Le maximum de choses que nous avons vient de la récupération. Et à dire vrai, j’ai meublé une grande partie de ma maison avec de la récup des encombrants !
Dans une interview, vous avez un jour cité Pierre Dac : « On peut rire de tout mais pas pour rien ». Est-ce qu’on peut rire, selon vous, du réchauffement climatique ?
On peut rire de tout et même du pire. Mon fils est sorti d’une méningite foudroyante il y a quelques années - il était intubé de partout et les médecins disaient qu’il allait mourir. Oui, le rire sauve. Même dans cette situation potentiellement catastrophique, j’avais encore ce rire salvateur. Dans toutes les situations, ça aide à sortir des pires choses. Je pense aussi que l’humour permet de faire passer des messages autrement. Sur le réchauffement, il y a des messages à faire passer et tous les moyens sont bons. Mais attention, le rire et l’humour, ce n’est pas se moquer, être dégradant. La moquerie ne sert à rien.
Quand vous entendez un certain nombre de personnes qui parlent d’environnement sans que cela ne provoque de réels changements, ça vous met en colère ?
Nécessairement. Évidemment. Je suis en colère tout le temps. Je ris mais je suis en colère parce qu’on ne bouge pas, parce qu’il ne se passe rien actuellement, ou si peu, et je ne vois d’ailleurs pas bien comment il va se passer quelque chose de significatif. Si ce n’est que, heureusement, je vois des jeunes qui ont envie de faire des choses et qui les font à leur niveau. Je me dis que tout n’est pas perdu ! J’ai d’ailleurs vraiment eu le sentiment que les confinements dus au Covid avaient permis à chacun de se dire « Tiens, en si peu de temps, on peut faire quelque chose ». On peut donc imposer des choses aux gens. Alors pourquoi, maintenant qu’il y a une telle urgence, ces problématiques redeviennent si compliquées ?

Vous avez dit ne pas avoir l’espoir qu’un dessin change les choses…
A dire vrai, je pense que même un « petit dessin » peut réveiller quelque chose… Même si la personne qui va en prendre connaissance ne va pas immédiatement partir en guerre contre ce qu’il dénonce ! L’important, c’est la répétition. Il faut rendre les choses visibles. Sur la situation des migrants, j’ai tenté à un moment de poster des choses sur les réseaux sociaux. Mais je voyais bien que certains n’avaient pas envie de voir le problème, et donc qu’un certain nombre de gens autour de moi - même beaucoup - se détournaient du sujet. Si les dessins que j’ai faits n’ont pas toujours été d’une efficacité totale, j’ai tout de même réussi à amener une dizaine de personnes dans cette aventure associative pour aider et participer.
Avec vos personnages, on a l’impression que vous êtes toujours en train de croquer la contradiction entre les envies, les manies… Cela vaut aussi par rapport à la lutte pour le changement climatique?
Totalement. Aujourd’hui, j’essaye de m’amuser un peu parce que je participe à une tribune un petit peu plus ouverte avec la mairie de Sèvres, dans le journal local. Je pense qu’il y a moyen de glisser des petits clins d’œil sur les comportements, et notamment en lien avec le changement climatique. Dans la débandade écologique, on est tous d’accord sur l’idée que ça doit changer… moins quand il s’agit de changer nos comportements, de renoncer au confort acquis. Les sacrifices induits, on n’en veut pas. Cela ne m’empêche pas de rêver que les jeunes générations réussiront là où la nôtre s’est engluée.
Justement, que souhaiteriez-vous aux générations à venir ?
De vivre dans un monde qui ne soit pas si triste. Là, aujourd’hui, c’est vraiment très fermé pour eux. Mes enfants, par exemple, ne veulent pas d’enfant parce qu’ils jugent que ce monde-là n’a aucun intérêt et aucun avenir. Je trouve ça triste, mais ils sont guidés par la raison et je le comprends. J’espère qu’à un moment, ils pourront à nouveau rêver avoir ce que leurs aînés ont eu.