Les risques de pénurie d’électricité et la récente flambée des prix de l’énergie ont-ils entraîné une ruée des particuliers et des entreprises vers l’autoconsommation ? Quelles seraient les conséquences d’une généralisation de ce mode de production pour le système électrique français ?
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L’autoconsommation consiste à consommer sa propre production d’électricité, généralement solaire, obtenue grâce à des panneaux photovoltaïques sur le toit qui transforment le rayonnement du soleil en électricité. Au lieu de vendre toute ou partie de cette électricité à un fournisseur d’énergie, le particulier ou l’entreprise peut choisir de l’utiliser pour ses propres besoins. Il a ainsi accès à une énergie renouvelable et locale.

Un doublement des foyers équipés en 18 mois

Les tensions récentes sur l’approvisionnement électrique et les hausses importantes de prix de l’électricité ont boosté l’intérêt pour ce mode de production et de consommation apparu en 2016 en France. Le nombre de foyers qui y ont recours a quasiment doublé ces derniers dix-huit mois, pour s’établir à 208 000 - représentant une puissance de 1 000 MW. Les supermarchés, les fermes et les entreprises s’équipent de plus en plus également. Et l’autoconsommation collective, à l’échelle d’un immeuble ou d’un lotissement, fait ses premiers pas grâce à une adaptation récente de la réglementation.

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Graphique de l'évolution du nombre de foyers ayant recours à l'autoconsommation (transcription ci-après)

Pour autant, la France fait pâle figure par rapport à ses voisins européens puisqu’en 2020, l’Allemagne comptait déjà 1,6 million de foyers équipés, le Royaume-Uni 850 000, et l'Italie 630 000. En Espagne, les installations photovoltaïques en autoconsommation ont représenté, pour la seule année 2022, une puissance installée de 2 GW1.

1Source : Tribune collective parue dans les Échos, 10/01/2023, Énergies renouvelables : l'immense potentiel de l'autoconsommation solaire

Un fort potentiel en développement

Dans l’Hexagone, malgré la forte dynamique actuelle, l’autoconsommation (résidentiel et entreprises) ne représente pour l’instant que 9 % des puissances installées en photovoltaïque, soit 1 300 MW (dont 300 MW de non-résidentiel) sur les 14 700 MW raccordés au réseau fin 2022. Cette forme de production et de consommation génère 1 TWh sur les 440 TWh de notre consommation électrique.

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Graphique de l'évolution de la puissance produite par l'autoconsommation (transcription ci-après)

Et pourtant, l’autoconsommation solaire présente de nombreux atouts, pour son utilisateur comme pour la collectivité :

  • Elle contribue au développement de nouvelles capacités d’énergie renouvelable, indispensables pour faire face à l’urgence climatique et à nos objectifs de décarbonation. Elle est d’ailleurs à ce titre encouragée par les pouvoirs publics et par la Commission européenne. Des pistes d’élargissement des bénéficiaires d’une autoproduction photovoltaïques sont d’ailleurs proposées dans les perspectives d’évolution des règles de marché européennes. Ainsi l’électricité produite sur un site pourrait être « autoconsommée » sur différents lieux, géographiquement distants, appartenant à l’utilisateur, à sa famille, ses amis ou toute autre forme de « communauté énergétique ».
  • Sa bonne acceptabilité sociale lui offre un fort potentiel de développement, une bonne nouvelle pour notre autonomie énergétique. Surtout dans un contexte de forte hausse anticipée de la consommation électrique française (+ 35 % au moins à horizon 2050 selon le rapport Futurs Énergétiques 2050 de RTE).
  • Sa compétitivité, surtout dans les zones bénéficiant d’un bon ensoleillement, permet aux utilisateurs de faire des économies, en particulier dans le contexte actuel de prix élevés de l’électricité (tarif régulé d’environ 20 c€/kWh pour des résidentiels). Aujourd’hui, la baisse des coûts du photovoltaïque permet des coûts de production de 11 à 17 c€/kWh suivant la région (prime à l’installation des panneaux comprise).
  • La dynamique de l’autoconsommation solaire est un facteur stimulant de l’économie et de l’emploi au niveau local.
  • L’autoproduction favorise la localisation du photovoltaïque en zones d’habitation urbaines ou péri-urbaines, où les réseaux sont denses. Si elle se substitue aux productions plus rurales, où les réseaux sont plus fragiles, elle évite certains coûts de renforcement qui seraient nécessaires sinon.

Réponse aux enjeux à la fois structurels, de décarbonation, et conjoncturels, liés aux tensions sur la production et sur les prix, l’autoconsommation correspond en outre aux attentes d’une part croissante de la société face à la consommation en général. Les aspirations à une plus forte autonomie, aux circuits courts et à une priorité donnée aux ressources renouvelables gagnent du terrain. En matière d’énergie, l’autoconsommation solaire s’inscrit dans cette appétence sociétale.

Néanmoins, au niveau du système électrique, trois points d’attention sont à relever :

  • L’électricité photovoltaïque auto-produite couvre en moyenne entre 30 et 40 % des besoins d’un ménage. En diminuant la facture d’électricité des foyers « autoconsommateurs », ce mode de production réduit également les recettes de financement des réseaux, inclues dans la facture. Sans pour autant alléger les besoins de réseaux en proportion puisqu’ils restent nécessaires notamment en hiver. Donc un fort développement de l’autoconsommation devra s’accompagner d’un rééquilibrage du financement des réseaux qui risque, sans cela, d’être transféré aux foyers qui n’y ont pas recours, souvent des foyers moins aisés.
  • De même, il faudra veiller à l’équilibre offre/demande du système électrique dans l’hypothèse d’un essor de l’autoconsommation. Par exemple, si beaucoup de particuliers utilisent leurs appareils domestiques et rechargent leurs véhicules en milieu de journée, lors des heures ensoleillées, cela peut, à terme, contribuer à la pointe de consommation nationale. À l’inverse, l’autoconsommation ne contribuera pas à lisser la pointe de 19 h en hiver, donc ne permettra pas d’optimiser le dimensionnement du système électrique. Contexte différent aux États-Unis où l’autoconsommation peut répondre aux fortes demandes d’électricité dans la journée, liées à la climatisation.
  • L’investissement dans ses propres moyens de production d’électricité photovoltaïques est une des formes de réponses aux enjeux de décarbonation. L’isolation des logements en est une autre, plus ciblée sur les consommations de chauffage en hiver et d’éventuelle climatisation en été. A l’échelle des ménages, il y a forcément une concurrence entre investissements possibles et il ne faudrait pas que l’autoproduction se fasse au détriment de l’efficacité énergétique et, au-delà, de la sobriété.

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