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Ouvrage RTE sous la neige
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Baisse des températures : RTE active le signal Orange national Ecowatt pour le lundi 4 avril 2022

Électricité : un hiver sous tension

Électricité
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Notre consommation d’électricité pourrait excéder la production pendant la mauvaise saison. Des solutions sont envisagées pour passer ce mauvais cap.
Paragraphes

Guerre en Ukraine, indisponibilité d’une partie du parc nucléaire, retard des énergies renouvelables… C’est peu dire que l’hiver 2022-2023 s’annonce complexe pour l’approvisionnement en électricité de la France.

La situation est-elle vraiment plus compliquée qu’à l’ordinaire ? Et quelles solutions sont envisagées pour passer ce cap difficile ? Voici ce qu’il faut savoir.

Un hiver 2022-2023 beaucoup plus compliqué qu’à l’ordinaire

 

Dès 2017, RTE avait prévu que la période actuelle serait difficile. Transition énergétique oblige, la France a fermé ces dernières années des centrales au fioul et au charbon afin de limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Problème : la montée en puissance attendue des énergies renouvelables a pris un peu de retard – un seul parc éolien en mer est entré en fonction à Saint-Nazaire - tandis qu’une série de visites décennales entraînent de longs arrêts de certaines centrales nucléaires. Ce n’est d’ailleurs pas la seule difficulté à laquelle l’atome doit faire face. D’abord, la Covid a fortement perturbé le calendrier de la maintenance des centrales. Ensuite, un incident de corrosion a contraint EDF à arrêter 12 réacteurs de plus que ce qui était prévu, ce qui explique qu’une trentaine sur les 56 réacteurs français ne soient pas en service aujourd’hui.

Et puis, il y a la guerre en Ukraine. Celle-ci crée une menace potentielle sur l’alimentation des centrales à gaz en France. Elle complique par ailleurs la possibilité d’importer de l’électricité produite à partir des mêmes centrales situées ailleurs en Europe, et notamment en Allemagne. Résultat : la production d’électricité se situera au-dessous des niveaux attendus, et sera bien plus faible qu’à l’ordinaire.

Le rôle crucial de la météo

 

Qu’en sera-t-il de la consommation ? Comme tous les ans, celle-ci dépendra beaucoup de la rigueur de l’hiver.

« On ne le sait pas forcément, mais le chauffage électrique des bâtiments résidentiels et tertiaires représente 40 % de la consommation ces jours-ci », précise Yannick Jacquemart, directeur nouvelles flexibilités de RTE.

Traduction concrète : à chaque fois que le thermomètre descend de 1°, nous avons besoin de 2 300 MW supplémentaires, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. Une vague de froid entraînera donc mécaniquement une forte hausse de la consommation.

Il est cependant un autre facteur météorologique dont il faut tenir compte : le vent. En effet, l’éolien représente désormais à lui seul plus de 10 gigawatts de production, soit 10 à 15 % de nos besoins en consommation, dont le record absolu remonte à 2012, avec 102 gigawatts. Et c’est plus vrai encore dans les pays dont la production éolienne est plus forte, comme l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. Le solaire, lui, ne jouera qu’un rôle marginal : par définition, l’astre du jour se fait discret quand les jours raccourcissent.

Un hiver caractérisé par des grands froids et une absence de vent tournerait donc au scénario catastrophe. À l’inverse, la concomitance de températures douces et de rafales soutenues nous permettrait de franchir ce cap beaucoup plus facilement.

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Yannick Jacqumart, Directeur nouvelles flexibilités du système électrique
Yannick Jacquemart
Directeur Nouvelles flexibilités pour le système électrique de RTE

Il peut y avoir des périodes ponctuelles où la production sera inférieure à la consommation, le matin de 8 h à 13h et le soir entre 18 h et 20 h. Et comme l’électricité ne se stocke pas facilement, cela peut se traduire par des coupures d’électricité.

Les solutions envisagées pour augmenter la production…

 

Monsieur de La Palice n’aurait pas dit mieux : si l’on veut éviter cette situation, il faudra à la fois pousser au maximum la production et diminuer au minimum la consommation.

Côté production, il s’agira en premier lieu de s’assurer de la disponibilité de l’ensemble des moyens disponibles, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’hydraulique, du gaz, ou de la cogénération. La remontée de la disponibilité du parc nucléaire au cours de l’hiver sera déterminante sur les risques cet hiver. Il a également été décidé de différer la fermeture de quelques centrales à énergie fossile, comme celles de Cordemais (Loire-Atlantique) et de Saint-Avold (Moselle). Ce n’est évidemment pas l’idéal en termes d’émission de gaz à effets de serre, mais cela réduit le risque de devoir couper des consommateurs.

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Pylône électrique en montagne
Pylône électrique en pleine montagne

… et pour limiter la consommation

 

Quatre leviers peuvent être actionnés sur ce volet :

  • Les économies d’énergie. Substituer des leds à de vielles ampoules, remplacer son vieux frigo par un appareil moins énergivore ; installer un système de chauffage plus performant, ou encore réduire et éteindre la nuit l’éclairage des bâtiments tertiaires : autant d’idées qui réduisent à la fois les dépenses des particuliers et notre consommation collective. Gagnant-gagnant.

  • Le « lissage ». Cette technique consiste à inciter les consommateurs à utiliser certains appareils en dehors des heures de pointe car, bien évidemment, c’est à ce moment-là - entre 8 heures et 13 h, et entre 18 h et 20 heures - que la demande est la plus forte. Rien n’empêche, par exemple, de réchauffer son ballon d’eau chaude la nuit plutôt qu’en journée, de recharger son véhicule électrique pendant les heures creuses, ou de relancer son chauffage en fin de nuit plutôt qu’à 8 h du matin. Autant d’initiatives qui permettent d’abaisser les points de consommation.

  • L’effacement. Moyennant finances, certains clients - particuliers comme entreprises - acceptent de baisser leur consommation en heures de pointe. « Il faudrait que ces offres soient développées et mieux connues afin de permettre au système électrique français de gagner en flexibilité », souligne Yannick Jacquemart. Un choix d’autant plus rentable que les prix de gros de l’électricité sont aujourd’hui très élevés.

  • Les mesures de sauvegarde. Quand la situation l’exige, RTE demande aux Français d’abaisser volontairement leur consommation – cela fut le cas le 4 avril dernier entre 7 h et 10 h du matin. Sorte de bison futé de l’électricité, ce système dit « EcoWatt », comprend trois couleurs : vert, orange et rouge. Pas de méprise : quand le signal est rouge ou orange, cela ne veut pas dire qu’il est interdit de consommer de l’électricité, mais qu’il est conseillé de le faire en dehors des heures de pointe, entre 8 h et 13 h, et 18 h et 20 h. Car, à tout prendre, mieux vaut que chacun réduise volontairement sa consommation de 5 % que d’obliger RTE à couper autoritairement 5 % des clients français… Cela peut passer par exemple par l’extinction de l’éclairage des bâtiments publics et des enseignes commerciales.

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Yannick Jacqumart, Directeur nouvelles flexibilités du système électrique
Yannick Jacquemart
Directeur Nouvelles flexibilités pour le système électrique de RTE

Ce sont là des signaux forts de solidarité nationale même si, il ne faut pas se voiler la face, la mesure la plus efficace consiste à baisser un peu le chauffage, à commencer par les bureaux et commerces.

Cela veut dire aussi que chacun peut agir à son échelle. Que l’on soit un industriel, un chef d’entreprise, un élu ou un particulier, on peut utiliser certains appareils à certains moments de la journée, signer un contrat d’effacement ou répondre aux appels de sauvegarde lancés par RTE.

 

Et si tout cela ne suffit pas…

 

On en arriverait aux coupures. Mais attention : il s’agirait d’interruptions à caractère temporaire (deux heures) et limitées à une fraction des consommateurs à un moment donné, qu’il s’agisse des entreprises, des administrations, des commerces mais aussi des particuliers. Seuls sont épargnés les hôpitaux, les services publics de sécurité et les clients jugés prioritaires par les préfets. RTE ayant une vision d’ensemble du réseau électrique français, c’est elle qui détermine l’ampleur des économies à réaliser et leur répartition géographique. Ce sont ensuite les gestionnaires de réseaux de distribution qui agissent en répartissant les demandes de coupures sur différentes parties de leurs réseaux.

Une situation meilleure après 2025

 

À moins qu’EDF ne parvienne à régler plus vite que prévu ses problèmes de corrosion, il faut s’attendre à ce que les difficultés attendues pendant l’hiver 2022-2023 se reproduisent jusqu’en 2025. Heureusement, la situation devrait par la suite s’améliorer, et ce pour plusieurs raisons. D’abord la production nucléaire devrait augmenter avec la remise en service d’un certain nombre de centrales aujourd’hui à l’arrêt et la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Côté renouvelables, plusieurs parcs éoliens en mer seront alors opérationnels. Par ailleurs, un certain nombre d’interconnexions supplémentaires sera disponibles entre la France et ses voisins (l’Italie, notamment), ce qui nous permettra d’importer davantage pendant les périodes de tension.

Cette situation critique devrait-elle inciter la France à remettre en cause ou au moins à différer la transition énergétique ?

Surtout pas car cette transition est indispensable pour assurer la transition climatique. En revanche, cela doit nous amener à jouer plus vite et plus fort sur la flexibilité de la consommation.

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