Interconnexions
Êtes-vous incollable sur les interconnexions ?
Avec plus de 400 lignes d’interconnexion à très haute tension déployées sur son sol et une capacité d’échanges estimée à 93 GW, l’Europe est aujourd’hui le réseau le plus interconnecté au monde. Et cette solidarité va encore se renforcer dans les années qui viennent : 23 GW supplémentaires sont en cours de construction ou en phase finale d’autorisations. À l’horizon 2040, nous identifions un espace économique pour atteindre environ 200 GW.
De par sa position géographique, entre la péninsule ibérique, les iles britanniques et l’Europe continentale, et son mix électrique principalement décarboné, La France occupe une place centrale au sein du système électrique européen. À lui seul, notre pays dispose en effet de 37 interconnexions (qui permettent d’échanger de l’électricité entre deux réseaux maillés, dans les deux sens) et de 20 autres liaisons transfrontalières utilisées à sens unique pour alimenter des clients situés à l’étranger (vers Monaco, par exemple).
Parmi les réalisations les plus emblématiques figure notamment IFA 1, la première interconnexion en courant continu réalisée avec l’Angleterre dès 1986, bien avant la mise en service du tunnel sous la Manche. L’interconnexion électrique avec l’Espagne a elle aussi nécessité des prouesses techniques permettant notamment la traversée des Pyrénées par un tunnel dédié. Quant à la frontière franco-italienne, la nouvelle interconnexion baptisée Savoie-Piémont se présente sous la forme d’une double liaison électrique souterraine de 190 kilomètres entre Chambéry et Turin, via le tunnel de Fréjus. À son lancement, c’était la plus longue liaison souterraine au monde !
Dans ce paysage, le gestionnaire de réseau de transport français remplit une tâche essentielle.
En amont des projets, RTE est très actif dans la conception des mécanismes de marché qui permettent d’optimiser les échanges d’électricité, dans l’identification des besoins de nouvelles capacités d’interconnexion, et dans l’instruction et la réalisation des projets associés. En aval, l’entreprise maintient et exploite ces interconnexions en relation avec les gestionnaires de réseau des pays voisins et opère les mécanismes de marché permettant la mise à disposition des capacités d’échanges associées.
Avec l’essor des énergies renouvelables, l’interconnexion du système électrique européen est rendue plus pertinente encore. En effet, le niveau d’ensoleillement et les régimes de vent peuvent différer significativement à l’échelle du continent. C’est pourquoi la taille du système européen permet d’atténuer à l’échelle globale ces variations de la production d’électricité. Quand le ciel est couvert en France, il peut être clair en Italie ou au Portugal. Quand le vent ne souffle pas en Espagne, il peut être présent en Allemagne ou en Angleterre. Grâce aux interconnexions, il devient possible de mutualiser ces ressources. D’où l’intérêt, par exemple, de la future interconnexion entre la France et l’Irlande, un pays qui étudie le développement d’énergie éolienne en mer. Quand la production irlandaise sera supérieure à sa consommation, elle pourra être exportée sur le continent. A contrario, les jours où le vent viendra à manquer en Irlande, ce sont les Irlandais qui pourront importer de l’électricité du reste de l’Europe.
Ce système d’interconnexion est donc positif pour le climat dans la mesure où il facilite l’intégration des énergies renouvelables, dont la production est par nature variable. En cas de météo défavorable, la solidarité européenne entre en action, et le pays ponctuellement en déficit de production peut importer sans difficultés de l’électricité venue de chez ses voisins. À l’inverse, en cas de vents forts et de consommation faible, un pays avec beaucoup d’éoliennes pourra exporter de l’électricité vers d’autres pays européen plutôt que devoir arrêter ses moyens de production renouvelable. À travers ces illustrations, nous pouvons affirmer que les interconnexions sont un levier de flexibilité parmi les moins cher et les plus simples à mettre en place.
Lorsque la demande d’électricité augmente dans un pays, celui-ci peut faire appel à la centrale disponible la moins chère en Europe, ce qui lui évite de devoir démarrer une centrale plus coûteuse située sur son sol.
À chaque instant, il est ainsi possible de solliciter uniquement les moyens de production les plus compétitifs en Europe. Lors des creux de consommation en France, les pays voisins peuvent ainsi bénéficier de la production nucléaire et renouvelable française à faible coût variable. A l’inverse, lors des périodes de pointe, la France peut s’appuyer sur des centrales de l’autre côté des frontières plutôt que de démarrer certaines centrales de pointe très coûteuses sur le territoire national.
Cette optimisation est source d’économies importantes qui peuvent se retrouver in fine sur la facture d’électricité des consommateurs.
L’Europe de l’électricité a évidemment pour autre avantage de participer à la sécurité d’approvisionnement. Quand un pays connaît un déficit de production, il peut importer de l’électricité produite chez ses voisins en fonction des capacités de production et d’interconnexion disponibles.
Chaque pays possède des habitudes de consommation propres, c’est-à-dire que les maximums de consommation varient d’un État à l’autre. En France, la pointe se situe en hiver, autour de 19 heures - à plus ou moins quelques minutes près. En Espagne, ce summum se situe aussi en hiver, mais plutôt vers 21 heures. En Italie, elle survient au contraire l’été, en milieu de journée, du fait de la climatisation.
Ainsi, chaque État dimensionne son parc de production par rapport à la pointe de consommation nationale, mais en tenant compte de la contribution des échanges aux frontière. Cette solidarité électrique européenne permet une mutualisation des moyens de production disponibles à la maille européenne et contribue à garantir de ce fait la stabilité du système électrique.
En bref, que ce soit pour mieux intégrer les énergies renouvelables, réduire les prix pour les consommateurs ou améliorer la sécurité d’approvisionnement d’un pays, les interconnexions permettent la solidarité européenne électrique.
Importer quand on en a besoin, exporter quand on le peut : c’est une traduction concrète de l’Europe de l’électricité.
Le rattachement de l’Ukraine au réseau électrique européen est un autre exemple de solidarité électrique. Longtemps reliée à son voisin russe, Kiev avait entrepris des travaux pour se connecter au réseau européen avant même la guerre déclenchée par la Russie. Au moment de l’attaque russe, les tests étaient en cours.
En raison du conflit, les travaux ont été accélérés et, au prix d’une mobilisation exceptionnelle, le rattachement du réseau ukrainien est devenu effectif quelques semaines seulement après le début des combats, permettant d’aider à stabiliser le système électrique ukrainien et, à répondre si besoin, à une demande d’électricité de secours.