Image
flexibilite-electrique
Image
flexibilite-electrique-cover.jpg

La flexibilité électrique : clé de voute de la transition énergétique

Transition énergétique
Mis à jour le 26/11/2024
Lecture 6 min
arrow
La transition énergétique s’accompagne de défis auxquels le système électrique n’avait pas été confronté depuis 40 ans. L’intégration des énergies renouvelables et des nouveaux usages de l’électricité nous font entrer dans une nouvelle ère. Parmi les objectifs : décarboner l’économie française, qui consomme encore 60 % d’énergie fossile. Dans ce contexte, la flexibilité électrique s’impose comme un levier essentiel, dans lequel chacun a un rôle à jouer. Explications.
Paragraphes

Pourquoi notre façon de consommer l’électricité est-elle amenée a évoluer ?

La transition énergétique offre l’opportunité d’une production d’électricité diversifiée. Les moyens de production nucléaires et hydrauliques sont désormais complétés par une part grandissante de nouvelles énergies renouvelables (ENR) variables : les énergies éoliennes et photovoltaïques, qui ont représenté près de 15 % de la production électrique en 2023. À certains moments de la journée, l’électricité décarbonée est désormais abondante, tandis que quelques heures plus tard il est nécessaire de démarrer des centrales plus chères. L’électricité est toutefois difficile à stocker à grande échelle. Elle doit donc être consommée lorsqu’elle est produite. Comment faire quand les moments de forte production ne coïncident pas avec ceux où nous consommons le plus ?

L’intermittence des ENR – en d’autres termes, la variation de la production d’électricité en fonction de la présence ou non du soleil et du vent – a en effet un réel impact sur le système électrique. Plusieurs facteurs peuvent ainsi influer sur la production des énergies renouvelables : la météo, bien sûr, mais également la saison ou encore le moment de la journée.

Pour autant, ces énergies sont économiquement les plus intéressantes à utiliser au maximum : une fois installées, les éoliennes et panneaux photovoltaïques ont un coût variable de production nul, et cette électricité décarbonée, si elle n’est pas utilisée le moment venu, est perdue. Il est donc intéressant de les utiliser au maximum, pour baisser à la fois le coût du système électrique et son bilan CO₂.

Les gestionnaires de réseaux comme RTE travaillent donc à un pilotage plus fin, pour introduire davantage de souplesse et de flexibilité. Il s’agit ainsi d’étendre aux variations de soleil et de vent le type de gestion que l’on utilise depuis 40 ans pour adapter la production d’électricité aux changements de température qui influent directement sur le niveau de consommation d’électricité.

L’essor des usages électriques représente également un défi de taille.

  • En volume d’électricité à produire, tout d’abord, car d’ici 2030 la consommation d’électricité devra augmenter si la France espère atteindre ses objectifs climatiques Fit for 55¹
  • En puissance instantanée également : par exemple, si tous les véhicules électriques prévus à cet horizon se mettaient en charge en même temps, le soir, lors des retours au domicile, le système électrique devrait être largement surdimensionné, alors que décaler la recharge sur des périodes plus creuses n’a aucune incidence sur le service rendu par les véhicules électriques mais change tout d’un point de vue du réseau de transport d’électricité.

Pour répondre à ces usages, l’enjeu est de tirer parti de l’électricité disponible et abondante, en l’utilisant tout au long de la journée, pour lisser les consommations qui peuvent l’être, sans impacter le confort des consommateurs. Pour le réseau, cette approche est bénéfique : les pics de consommation sont limités, tout comme l’appel aux centrales émettrices de CO₂, qui sont également les plus chères à faire tourner.


Le saviez-vous ?

Les périodes de fortes demandes en électricité (appelés « pics de consommation ») sont situées entre 7h et 11h et entre 18h et 20h. Le mieux est donc de programmer la charge complète de son véhicule électrique en pleine journée, entre 11h et 17h, ou la nuit. En journée car le solaire fournit en effet un complément d’électricité, qui vient s’ajouter au nucléaire, à l’hydraulique et à l’éolien et conduit fréquemment à des périodes d’abondance d’électricité décarbonée : profitons-en. Cela signifie que les périodes à éviter sont relativement courtes (quelques heures), ce qui facilite le décalage de consommations.

Et les volumes d’énergie déplaçables sont importants : positionner la recharge de véhicules électriques en journée, lorsque c’est possible, devrait permettre de réduire la consommation à 19h d’environ 5 GW, dont une partie pourrait être positionnée en début d’après-midi. En 2030, 1/3 des flexibilités de consommation pourrait être fourni par l’optimisation de la charge des véhicules électriques.


Qu’est-ce que la flexibilité électrique, concrètement ?

Le système doit maintenir en permanence un équilibre rigoureux entre production et consommation. Une condition indispensable au bon fonctionnement du réseau. Cet équilibre peut se faire en agissant sur la production, la consommation ou les capacités de stockage (hydraulique et, désormais, batteries). C’est cette capacité à moduler la puissance injectée ou soutirée sur le réseau que l’on nomme la flexibilité électrique.

  • Du côté de la consommation, la flexibilité se traduit par la capacité de décaler les moments où l’on consomme de l’électricité.
    • Dans l’industrie, certaines usines modulent déjà leur consommation d’électricité : elles réduisent leur consommation via des offres d’effacement, pour préserver l’alimentation électrique du plus grand nombre. D’autres décalent les périodes sur lesquelles elles consomment.
    • Dans le secteur tertiaire (bureaux, administrations, commerces, enseignement…), la flexibilité n’est pas encore très développée, mais cela démarre ! Elle pourrait consister à utiliser l’inertie thermique des bâtiments pour décaler une partie du chauffage, de la ventilation et de la climatisation, et à piloter les bornes de recharge pour utiliser les heures les plus favorables de la journée. Le tout à confort et service inchangés !
    • Pour un particulier, il s’agira par exemple de lancer sa machine à laver à l’après-midi, entre 11h et 17h, au lieu de 19h, pour profiter d’une électricité abondante issue des énergies renouvelables. Mais il est également possible d’utiliser l’inertie thermique du logement pour limiter la consommation de chauffage entre 7h et 10h et entre 18h et 20h, et, bien sûr, de décaler les recharges d’appareils et véhicules sur batteries.
Image
Illustration de l'effet des flexibilités sur le placement de la consommation lors des pics de production décarbonné
  • Du côté de la production, il est par exemple possible d’ajuster, en fonction des besoins, à la hausse ou à la baisse l’électricité issue des centrales hydroélectriques et nucléaires. C’est en revanche moins le cas avec les parcs éoliens ou photovoltaïques, dont la production dépend de la météo et varie selon les moments de la journée, et qui ne peuvent être ajustés qu’à la baisse, car il est économiquement intéressant d’utiliser le maximum de leur production.
  • Le stockage constitue une autre source de flexibilité. Le système électrique dispose de longue date de 5 GW de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) constituées de 2 lacs, avec la capacité de remonter l’eau d’un lac vers l’autre puis de la turbiner pour produire de l’électricité. Les batteries sont une technologie en plein essor, à la fois sur les véhicules électriques et des batteries directement raccordées au réseau, dites stationnaires. Elles peuvent contribuer à utiliser les énergies renouvelables lorsqu’elles sont très disponibles, et restituer cette électricité pendant les pointes de consommation électrique. Dans les faits, stocker à grande échelle est très coûteux - du fait des investissements techniques nécessaires -, peut nécessiter de renforcer le réseau et utilise des ressources en métaux rares.

Ainsi, dans l’ordre de priorité des flexibilités, mobiliser les décalages de consommation est un réflexe facile à adopter, mais nécessite d’en prendre l’habitude et de programmer les usages pour que ce soit simple pour les consommateurs. Cela constitue le levier le plus rapide à mettre en œuvre et à coût très faible, et devrait même conduire à faire baisser les factures. Il ne suffira toutefois probablement pas, et c’est bien un bouquet de flexibilités qui devront être développées à terme.


À retenir :

Quand des embouteillages sont annoncés, vous décalez votre départ pour vous assurer de rouler ? De la même façon, vous pouvez répartir vos usages électriques tout au long de la journée : en déplaçant certaines consommations en journée, vous participez à la flexibilité, et tout le monde y gagne.

Image
Aperçu de l'infographie "Flexibilité de la consommation électrique : les gestes simples"

Consulter l'intégralité de l'infographie (PDF - 4 Mo)


Comment la flexibilité aide-t-elle a optimiser le fonctionnement du système électrique ?

La flexibilité de consommation est un levier majeur pour limiter les pics de consommation. Elle participe ainsi à sécuriser l’approvisionnement du système électrique lors des pointes hivernales. C’est la notion qui existe depuis de nombreuses années : l’effacement de consommation, qui s’apparente à une flexibilité « assurantielle ». Elle est rémunérée par une prime fixe et n’est activée que quelques jours dans l’année.

Il s’agit désormais de développer des flexibilités du quotidien, toute l’année, en fonction des saisons et des conditions d’ensoleillement, de vent et de température qui conditionnent, d’une part, la consommation et, d’autre part, le niveau de production photovoltaïque et éolienne.

Le secteur tertiaire, à lui seul, représente un tiers de la consommation d’électricité nationale. Les bâtiments tertiaires ont la capacité de moduler 10 % de leur consommation. Si cette pratique se généralisait, elle permettrait de rendre disponible plus de 2,5 GW d’électricité pendant 2 à 3h les matins d’hiver, ce qui représente la consommation d’environ 3 millions de foyers.

Certaines offres tarifaires des fournisseurs d’énergie incitent à cette flexibilité de la consommation. Elles reprennent souvent le fonctionnement des « heures petits prix » ou « heures creuses renouvelables » et autres « heures d’abondance ». Les fournisseurs d’énergie proposent aussi, aux professionnels et particuliers volontaires, des solutions techniques : vous mettez en pause, pendant quelques heures, certains équipements de votre entreprise ou maison. Ce sont certains matériels comme les fours chez les industriels et le ballon d’eau chaude, les radiateurs ou les pompes à chaleur chez les particuliers.


Le saviez-vous ?

Pour inciter les entreprises tertiaires à se mobiliser, RTE, aux côtés de Think Smartgrids, a lancé en 2024 la marque FlexReady : un référentiel commun pour les bâtiments tertiaires afin d’unifier les solutions de pilotage et les bonnes pratiques associées, en somme un standard de communication avec les modules d’optimisations des bâtiments.


Quels sont les enjeux économiques et environnementaux de cette révolution ?

Rappelons que dans le mix énergétique français, la part des énergies renouvelables devrait passer de 120 TWh en 2023 à 270 voire 320 TWh en 2035 (Bilan prévisionnel 2023 de RTE). La flexibilité électrique de la production sera alors sur le devant de la scène. L’enjeu consistera à optimiser, en d’autres termes à placer la consommation qui est décalable ou modulable aux moments où la production renouvelable est forte. À l’inverse, il faudra compenser leur intermittence lorsque la production baisse.

La flexibilité représente l’un des nouveaux réflexes liés à la transition énergétique, qui permet d’optimiser l’utilisation du système électrique pour qu’il puisse contribuer au maximum à la baisse de la dépendance de la France aux énergies fossiles au profit d’énergies décarbonées comme l’électricité.

En 2023, la production décarbonée (nucléaire, hydraulique, éolienne et solaire) a représenté 92 % de la production totale d’électricité et a donc permis de fortement limiter la production thermique fossile. Celle-ci a ainsi chuté à son plus bas niveau depuis 2014 (32,6 TWh), soit une baisse de 34 % par rapport à l’année précédente. Un niveau minimum historique a alors été atteint par le système électrique français pour les émissions de gaz à effet de serre (baisse de 32 % par rapport aux émissions de 2022).

En réduisant les coûts de production d’énergie, la flexibilité a également un impact positif sur les factures des consommateurs.

Pourquoi devons-nous tous prendre part a cette transition ?

Réussir la transition énergétique relève du collectif. L’enjeu est de parvenir à gérer tous ensemble notre consommation d’électricité, pour optimiser l’utilisation du système électrique et en limiter le coût.

Cette capacité à optimiser la consommation porte de nombreux bénéfices :

  • Pour le budget. L’électricité produite en abondance sur certaines plages horaires coûtera moins chère que lors des pics de consommation. C’est un nouveau réflexe à intégrer pour faire des économies.
  • Pour l’environnement. Utiliser de façon judicieuse l’électricité décarbonée et produite en France, c’est aussi moins polluer.
  • Pour notre société et la collectivité. Éviter de consommer tous au même moment, à 19h par exemple, contribue à mieux gérer nos besoins électriques collectifs, et à pouvoir accueillir sur le système électrique davantage de nouveaux usages utilisant aujourd’hui des énergies fossiles.
Image
Infographie - Le glossaire des flexibilités

Télécharger l'infographie (PDF - 132 Ko)

Quelles solutions pour une prise de conscience amenant vers une flexibilité collective ?

La flexibilité de la consommation vient compléter les démarches de sobriété et d’efficacité énergétique. Ce triptyque de solutions complémentaires est essentiel pour atteindre les objectifs environnementaux que la France s’est fixé à horizon 2050 : la neutralité carbone.

Les entreprises ont une part essentielle à jouer. Les résultats du concours CubeFlex le montrent : les bâtiments du secteur tertiaire représentent « un gisement de modulation de la consommation électrique de 7 % aux heures de pointe et jusqu’à 20 % en cas d’alerte EcoWatt rouge » (source : résultats de la 2e édition du concours CUBE Flex).

Ils l'ont fait

Lors du concours CUBE Flex lancé par RTE, le bâtiment Odontologie de l’Université́ de Bordeaux a par exemple pu réduire de façon remarquable sa consommation lors d’une journée test en octobre 2022. Une diminution de près de 33 % de sa consommation quotidienne a été mesurée sur les heures de pointe, de 8h à 13h puis de 18h à 20h. Pour parvenir à ces économies d’énergie, différentes solutions s’offrent aux bâtiments au quotidien, en adaptant la programmation des équipements, notamment via les systèmes de gestion technique du bâtiment (GTB).

Les particuliers peuvent aussi contribuer. À la maison, le pilotage automatique de la plupart de nos équipements peut être mis en place pour agir concrètement, pour faire des économies sans perte de confort. Cela est particulièrement mesurable pour le chauffage et la climatisation.

Image
Yannick Jacqumart, Directeur nouvelles flexibilités du système électrique
Yannick Jacquemart
Directeur Nouvelles flexibilités pour le système électrique de RTE

Chacun peut agir à son échelle, s’il le peut. Que l’on soit un industriel, un chef d’entreprise, un élu ou un particulier, on peut programmer certains appareils aux meilleurs moments de la journée, pour faire simple entre 11h et 17h, et la nuit entre minuit et 6h.

Notes

  • ¹ La France a pris en 2022, avec les autres pays de l’Union européenne, l’engagement de baisser les émissions de CO₂ de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990.