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Hydrogène vert : mythe ou réalité ?

Transition énergétique
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Pour certains, ce gaz va nous permettre de réussir la transition écologique. Pour d’autres, il n’est qu’une illusion coûteuse qui nous éloigne des véritables solutions. Voici ce qu’il faut savoir.
Paragraphes

Pourquoi l’hydrogène vert suscite-t-il tant d’espoir ?

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’Humanité ne pourra pas se contenter de consommer moins d’énergie. Il lui faudra également produire celle-ci en émettant le moins de CO2 possible et, pour cela, avoir recours à des modes de production décarbonés. 

L’électricité, produite à partir des énergies renouvelables ou du nucléaire, possède cette caractéristique et occupera une place croissante dans le mix énergétique mondial. Cependant, tous les usages actuels de l’énergie ne peuvent pas facilement être électrifiés : camions et autocars pour du transport longue distance, aviation, certains procédés industriels, etc. Pour ces usages, l’hydrogène constitue une solution possible pour remplacer les carburants à base d’énergies fossiles.

Utilisé essentiellement par certaines industries (raffinage, production d’engrais), l’hydrogène est toutefois aujourd’hui produit à partir d’énergies fossiles. Il pourrait demain connaître une double révolution. La première : être fabriqué à partir d’électricité bas-carbone. La seconde : servir à d’autres usages, notamment dans les transports. Pour ces deux raisons, il est susceptible de réduire nos émissions de CO2 et de jouer un rôle majeur dans la transition énergétique. Symboliquement, la tour Eiffel a ainsi été illuminée le 25 mai dernier grâce à un groupe électrogène alimenté avec de l’hydrogène décarboné. 

Qu’est-ce que l’hydrogène vert ?

C’est un gaz produit à partir d’une énergie renouvelable au moyen d’une technique particulière : « l’électrolyse de l’eau », c’est-à-dire un procédé permettant de séparer l’eau (H20) en oxygène (O) et en hydrogène (H2) au moyen d’un courant électrique.

L’hydrogène est qualifié de « vert » si l’électricité utilisée pour cette opération est d’origine renouvelable, par exemple l’éolien ou le solaire. Il se distingue de l’« hydrogène gris », obtenu à partir de sources fossiles, comme le gaz naturel ou le charbon. 

Quels sont les avantages supposés de l’hydrogène vert ?

Outre les atouts écologiques que l’on vient de décrire, il pourrait permettre de résoudre la question du stockage à long terme des énergies renouvelables. Le vent et le soleil, en effet, sont par nature « variables ». L’hydrogène peut être stocké en période de surplus de production (dans des réservoirs ou des stockages géologiques souterrains). L’hydrogène a enfin un dernier avantage : avec ce gaz, la question des déchets ne se pose pas.

S’agit-il d’une énergie nouvelle ?

Non. La preuve : pas moins de 70 millions de tonnes d’hydrogène ont été produites en 2019 dans le monde. Le secteur du raffinage s’en sert par exemple pour élaborer des carburants et celui de la chimie pour la confection d’engrais. Le problème est qu’à 96 %, cette production est réalisée à partir d’énergies fossiles (essentiellement du gaz naturel, voire du charbon dans certains pays). Une activité qui débouche sur l’émission de 830 millions de tonnes de CO2, selon l'Agence internationale de l'énergie, soit quasiment autant que le secteur aérien ou que le transport maritime. Corollaire : si la production actuelle d’hydrogène gris était remplacée par de l’hydrogène vert, la France, à elle seule, réduirait ses émissions de CO2 de 6 millions de tonnes par an. 

Dans quels secteurs l’hydrogène vert pourrait-il être utilisé en priorité ?

En premier lieu, l’hydrogène vert peut remplacer les usages actuels d’hydrogène « gris » pour  certains procédés de la chimie et pour le raffinage de produits pétroliers. Ensuite, cet hydrogène peut être utilisé dans d’autres industries actuellement peu utilisatrices d’hydrogène. La sidérurgie, par exemple, pourrait remplacer le charbon par l’hydrogène pour produire de l’acier. On peut imaginer le même type de substitution dans la métallurgie et pour d’autres procédés de la chimie.

Les transports – qui représentent 30 % des émissions de CO2 en France - sont également concernés. Car l’électricité n’est pas la seule énergie susceptible de remplacer nos bons vieux moteurs thermiques. L’hydrogène, lui aussi, peut très bien faire tourner les piles à combustible qui alimentent les moteurs électriques.

L’hydrogène apparaît tout particulièrement propice pour les transports lourds, comme les camions, trains ou les avions. À l’heure actuelle, l’utilisation de batteries apparaît moins évidente pour ces modes de transport, compte-tenu du volume et du poids associés. D’où l’idée de recourir à l’hydrogène pour remplacer le fioul des camions, par exemple. Des expérimentations sont d’ailleurs déjà en cours. À Auxerre (Yonne), le plus grand électrolyseur de France a été inauguré en octobre 2021. L’hydrogène qu’il produit permet déjà de faire circuler 5 autobus, en attendant, demain des bennes à ordures, des péniches ou des trains. La SNCF a commandé une dizaine de trains à hydrogène pour les faire circuler à partir de 2025 sur des lignes non électrifiées. Dans le transport aérien et maritime, l’hydrogène est envisagé pour fournir des carburants de synthèse bas-carbone.

Quels sont les projets en préparation ?

La France a prévu d’investir sept milliards dans ce secteur d’ici à 2030, dont deux milliards sur les seules années 2021 et 2022. La Commission européenne encourage elle aussi l’installation d’électrolyseurs de grande puissance. De nombreux pays européens (France, Allemagne, Royaume- Uni, Espagne, Pays-Bas, Italie, etc.) ont publié des stratégies hydrogène avec des ambitions importantes de développement de la filière. Le Japon, la Chine, la Corée du Sud s’intéressent aussi de près à cette solution.

« Est-ce vraiment une solution miracle » ?

Non, hélas. Car l’hydrogène vert souffre également d’un certain nombre d’inconvénients que ne manquent pas de mettre en avant ses opposants :

  • De faibles rendements. Le processus de production d’hydrogène par électrolyse conduit à une perte énergétique de l’ordre de 30 %. Lorsque cet hydrogène est ensuite utilisé pour produire de l’électricité, via une pile à combustible (par exemple pour un moteur électrique) ou une turbine (pour injecter de l’électricité sur le réseau), un volume supplémentaire d’énergie, de l’ordre de 30 % à 40 % est perdu dans la conversion. Au total, quand l’hydrogène est utilisé comme vecteur intermédiaire pour le stockage d’électricité et non une utilisation directe, les deux tiers de l’électricité sont perdus au cours des transformations. Des recherches sont menées pour pallier cette déperdition, notamment par la technique de « l’électrolyte solide », mais elles n’ont pas encore abouti. Une partie des pertes de transformation dégagées sous forme de chaleur pourrait également être récupérée pour alimenter des réseaux de chaleur.
  • Des risques d’accident. L’hydrogène est un gaz explosif. Une caractéristique d’autant plus ennuyeuse que les risques de fuite sont plus importants qu’avec n’importe quel autre gaz et qu’il est difficile, voire impossible, de rendre totalement étanches les réservoirs qui le contiennent. De plus, il est aussi particulièrement inflammable…
  • Une rentabilité incertaine. À l’heure actuelle, les coûts de production sont trop élevés pour être compétitifs (raison pour laquelle l’hydrogène « gris » domine largement). À Auxerre, pour reprendre cet exemple, le plein d’un bus coûte deux fois plus cher qu’avec du gasoil. Cet écart pourrait toutefois être réduit dans les prochaines années. Les sommes qui s’apprêtent à être investies sont telles qu’elles devraient déboucher sur des avancées technologiques, une amélioration des rendements et, par là même, une baisse significative des coûts. Mais tout cela reste à confirmer.

Il n’empêche. S’il est encore trop tôt pour crier définitivement victoire, l’hydrogène vert constitue aujourd’hui l’une des pistes prometteuses pour la transition énergétique.
À long terme, créer un « système hydrogène bas-carbone » performant est un atout pour décarboner certains secteurs difficiles à électrifier tels que l’industrie et le transport de marchandises, et une nécessité dans les scénarios de transition énergétique à très fort développement en renouvelables demandant de stocker l’énergie.