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Si on pouvait stocker l’électricité à grande échelle ?

Stockage
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Les besoins en flexibilité du système électrique français vont aller croissant avec la montée en puissance des énergies renouvelables et deviennent extrêmement importants au-delà de 2035.

De quelles technologies disposerons-nous à cet horizon-là pour couvrir ces besoins ? Difficile à dire avec certitude aujourd’hui compte tenu de la diversité des options sur la table, dont le stockage d’électricité à grande échelle. La course à l’innovation est lancée.
Paragraphes

Le stockage de l'électrique en France

Depuis des décennies, le système électrique français peut s’appuyer sur des moyens de stockage longue durée, grâce aux stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).

Ces installations hydroélectriques, composées de bassins à des altitudes différentes, permettent de stocker de l’énergie en pompant l’eau du niveau inférieur vers le bassin supérieur lorsque la demande électrique est faible. Elles la restituent en relâchant l’eau du niveau supérieur, lorsque la consommation augmente. C’est la technique la plus mature de stockage stationnaire de l’énergie (200 GWh par an). Mais les capacités d’équipement de nos montagnes ne sont pas extensibles à l’infini ; or nos besoins de flexibilités vont s’accroître.

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Gabriel Bareux, directeur de la R&D chez RTE
Gabriel Bareux
Directeur de la R&D chez RTE

Jusqu’en 2030/2035, nous pouvons couvrir les besoins en flexibilité du système électrique français grâce aux moyens existants : les STEP, le pilotage d’une partie de la charge comme nous le faisons avec les chauffe-eaux ou encore les interconnexions avec nos voisins pour nous aider à lisser les besoins. Mais, au-delà de cet horizon, lorsque nos besoins seront passés à l’échelle supérieure, il nous faudra aller au-delà.

Un besoin accru de flexibilité

En effet dans les six scénarios élaborés par RTE dans « Futurs énergétiques 2050 », la capacité installée cumulée d’énergie solaire et éolienne est anticipée entre 180 et 345 GW, contre 32 GW en 2021. Nous aurons alors un besoin accru de flexibilité pour faire face au caractère variable de la production d’énergies renouvelables. Et ce, quelle que soit la part du nucléaire qui sera retenue dans le futur mix énergétique en France.

Or, selon les modes de production d’énergies renouvelables, les besoins de flexibilités sont différents. Ainsi, le photovoltaïque voit sa production fluctuer dans la journée, mais également d’une saison à l’autre. De son côté, la variabilité de l’éolien a un profil hebdomadaire et saisonnier. Il faut donc, en face, prévoir des moyens de flexibilité pour la journée, la semaine et toute une saison. C’est là que le bât blesse. Car aujourd’hui, si nous disposons de batteries électro-chimiques, Lithium-Ion principalement, leur usage est limité à quelques heures. « Pour une durée d’utilisation de plus de 4 à 6 heures, le coût est prohibitif », souligne Claire Lajoie-Mazenc, conseillère scientifique chez RTE.

La mission de RTE, en tant que gestionnaire de réseaux, n’est pas d’exploiter des services flexibilités comme le stockage mais de s’assurer que ces services se développeront pour assurer la sécurité d’approvisionnement du système électrique.

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Gabriel Bareux, directeur de la R&D chez RTE
Gabriel Bareux
Directeur de la R&D chez RTE

Nous exprimons le plus précisément possible nos futurs besoins et nous misons sur les industriels pour s’emparer du sujet et rendre les différentes technologies plus compétitives. Des filières se mettent en place . Lorsque les technologies sont matures, RTE les teste afin de s’assurer du service rendu. C’est ce qu’on fait sur les batteries avec notre projet Ringo.

Les trois grandes familles de stockage

Le plus probable, c’est que chacune des trois grandes familles de stockage sera mise à contribution, selon les usages.

La technologie électro-chimique

Ainsi, pour les flexibilités journalières, la technologie électro-chimique, comme le Lithium-Ion, tient la corde grâce à sa grande polyvalence. C’est ce qui lui permet de répondre à une large gamme d’utilisation : des véhicules électriques aux usages domestiques, en passant par les systèmes de stockage stationnaires de différentes tailles, par combinaison de « briques de base ». La production à grande échelle devrait pouvoir en faire baisser le coût, si la tension sur les ressources – dont le lithium et le cuivre – est maîtrisée. En complément de nombreuses études et mesures sont aujourd’hui prises pour assurer la sécurité de fonctionnement de ces batteries, qui présentent en effet à date un fort risque d’emballement thermique et d’inflammabilité. La génération technologique suivante sera un gros progrès.

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Claire Lajoie-Mazenc
Claire Lajoie-Mazenc
Conseillère scientifique chez RTE

Leur mise au point (cf. la technologie électro-chimique) est plus complexe que prévu. L’horizon de leur disponibilité à échelle industrielle ne cesse de reculer. Aujourd’hui, on mise sur une dizaine d’années.

Les STEP

Dans la deuxième famille de stockage, à laquelle appartiennent les STEP et qui répondent aux besoins de flexibilités hebdomadaires, de nombreuses pistes sont étudiées : des poids qui montent et qui descendent le long d’une grue, des ballons qui remontent dans la mer, l’inondation d’un fjord en Norvège combinée à un STEP... « La recherche bat son plein. Les forts investissements publics et privés vont stimuler l’innovation », affirme Gabriel Bareux.

Les stockages à base de molécules de gaz décarbonées

Enfin, en ce qui concerne la troisième famille, qui répond aux besoins de flexibilités saisonnières ou annuelles, les stockages à base de molécules de gaz décarbonées comme l’hydrogène ou l’ammoniac « fournissent une alternative intéressante pour le stockage saisonnier», selon le directeur de la R&D de RTE. L’électrolyse permet de produire de l’hydrogène qu’il faut alors stocker. Puis, lorsque la demande augmente, l’hydrogène peut être réutilisé, par exemple dans une pile à combustible, pour fabriquer de l’électricité. « Même si les défis à relever restent nombreux c’est aujourd’hui le candidat le plus sérieux pour répondre aux besoins longue durée », estime Gabriel Bareux. Il faudrait toutefois régler les freins actuels, qui ne sont pas minces : des coûts de production élevés, un transport très délicat, un stockage à grande échelle sous forme de gaz comprimé qui nécessite des enceintes de confinement. Bref, les innovations seront bienvenues !